MindMapNuageBis.jpg



Un certain état du visible

En physique, la matière peut exister sous différents états. Diverses propriétés de la matière varient selon l’état et se traduisent par des comportements différents. Certaines conditions doivent être réunies pour qu’un changement s’opère. Un processus s’engage alors, la menant d’un état à l’autre.

Produire un certain état du visible, c’est là toute la visée des procédés que j’élabore. A l’atelier, j’observe longuement différents matériaux, procède par intuition, cherche la surprise et la travaille. La posture est celle du chercheur et de l’inventeur ; à la différence que chez moi la technique a pour but le détour, voire une forme de ralentissement. Les procédés restent en soi relativement simples et c’est même la condition qui me permet d’en assurer toute la chaîne opératoire. Avec une économie de moyens, j’invite la personne qui regarde à s’interroger sur la nature de ce qu’elle a sous les yeux, privilégiant les images et les volumes au statut incertain.

Ombres, reflets, empreintes, c’est toujours sur le mode de l’indice que mes pièces apparaissent. Elles se situent entre ce qu’il reste encore et ce qui a disparu. Je les qualifie souvent de doubles affaiblis car elles sont à penser comme un écho de leur référent premier (image, objet ou matériau), une présence différée et différente. Car comme dans l’écho, ce qui nous revient est altéré. Et cette présence altérée existe ou plutôt s’affirme par ce qui lui a été enlevé. Travailler par soustraction est pour moi une manière de produire de la trace, c’est-à-dire un état attestant à la fois d’une présence et d’un effacement.

On retrouve dans chaque pièce, qu’elle mette en jeu l’image ou non, une certaine dissolution du visible qui existe sur un mode spectral et évanescent. Le voir y est fragilisé, instaurant le brouillard et la pénombre comme régimes de visibilité. Des liens se tissent entre le visible et le tangible.

Images, indice, présence/absence, pas étonnant donc que la photographie plane sur mon travail. Elle n’en constitue cependant pas directement le centre. Elle-même matière à produire de la trace, elle arrive toujours dans un second temps et est prise au sein de divers processus. L’image qui en résulte devient indissociable des différentes étapes et des matériaux qui l’ont fait naître. Une contamination s’installe entre le sujet et le support, comme si l’un influait directement sur l’autre.

C’est d’ailleurs moins le sujet que l’on regarde que la manière dont les images surgissent ou plutôt resurgissent. Elles se présentent en train d’apparaître et préfigurent plus qu’elles ne figurent. Et comme l’une des qualités de l’apparition est d’être furtive, j’essaie toujours de garder cet état précaire et vacillant pour en faire des images natives et évanescentes à la fois, des apparitions disparaissantes.

A travers des techniques toujours renouvelées se manifeste une même mise en condition du visible. Ce qui s’y perçoit est au voir ce que la lueur est à la lumière. Maintenues dans un état à la fois fragile et persistant, mes pièces s’affirment ainsi dans la présence discrète de ce qui luit.


Né en 1977 à Genève, Xavier Bauer vit et travaille entre Genève et Berlin. Il a fait ses études à l’école supérieure des beaux-arts de Genève (actuelle HEAD) dans l’atelier de Carmen Perrin et Jean Stern et a effectué une année à l’Escuela Massana de Barcelone dans le cadre d’un programme d’échange. Son œuvre figure dans la collection du Fonds d’art contemporain de la Ville de Genève et dans diverses collections privées, notamment la collection Erwin Oberwiler. Il a collaboré avec la metteure en scène Zofia Klyta-Lacombe et co-dirigé l’espace d’exposition Espace Kugler de 2010 à 2013.


Expositions

2023 — Hic&Nunc - en collaboration avec Laurence Favre - Diffraktion #12 - Centre français - Berlin
Hic&Nunc - en collaboration avec Laurence Favre - Nano Raum für Kunst - Zürich

2022 — Compo/starium - exposition collective - Ferme des Tilleuls - Renens

2021 — Biennale de l’Image Tangible - exposition collective - Atelier Basfroi - Paris
Avant de m’endormir, la ville, de nouveau… - exposition collective - Espace Ruines - Genève

2020 — Ruines et Pixels - exposition collective - Espace Culturel Assens

2019 — Un certain regard - exposition collective - Baart - Genève
Orbis Terrae - exposition collective - Domus Poetica - Bellinzona

2018 — Effacements - exposition collective - Galerie C - Neuchâtel

2017 — Le point aveugle - exposition personnelle - Standard/Deluxe - Lausanne

2016 — Artgenève - acquisitions récentes du FMAC
Capsule 1.32 - Halle Nord - Genève

2015 — L’écho du visible - exposition personelle - Galerie Andata/Ritorno - Genève
Mise en abîme - exposition collective - La Ferme de la Chapelle

2014 — Carnet de bal - les 20 ans du Mamco - La Fonderie - Genève
Utopie picturale 2 - exposition collective - La Fonderie - Genève
Gate 6 - exposition collective - Turkan Saylan Kültür Merkezi - Istanbul

2013 — Bulbfiction - exposition collective - CACY - Yverdon-les-Bains
Baz’art Festival - festival transdisciplinaire - Genève

2012 — Courant continu - exposition collective - Halle Nord - Genève

2011 — Périphérique Nord - exposition collective - Cheminée Nord - Genève
Kugler Remix - exposition collective - La Fonderie - Genève

2010 — Contrepoids - exposition personnelle - Espace Kugler - Genève
Belluard Bollwerk International - festival transdisciplinaire - Fribourg

2009 — Post Tenebras Luxe - exposition collective - Musée Rath - Genève
Millimètres - exposition personnelle - Cheminée Nord - Genève
Champs|Contre-Champs - exposition collective - Centre culturel Assens


Collaborations

2017 — Vertical - Fougères - une pièce Zofia Klyta-Lacombe - Le Galpon - Genève

2015 — Particule 3254m - une pièce Zofia Klyta-Lacombe - Chapiteau de Vidy - Lausanne

Publications

Biennale de l’Image Tangible - Catalogue d’exposition

Les Chroniques de l’art contemporain - Karine Tissot - L’apage/InFolio

CACY [kaki] n. m. 2013-2017 - art&fiction publications/CACY

Livre d’A/R - Andata/Ritorno - Laboratoire d’art contemporain 1981-2017

Post Tenebras Luxe - Donatella Bernardi - Labor et Fides


Where do images come from? Where do they go?

Xavier Bauer’s installations embody this enigma. Hovering between existence and nothingness, his pieces revolve around the action of “revelation.” Their setting determines whether images and forms will materialize – and to what extent – while an economical use of resources and pinpoint precision undergird their minimalism. The fragility with which these works are constructed is inseparable from the fragility of what is seen.

Dancing between the visible and invisible, images linger below the surface, suspended in a frail and flickering state. Rather than simply appearing, we see them in this state – poised on the verge of visibility. Images slip ephemerally beyond traditional categories of stasis and movement as they dance in and out of view.

Consequently, spectators react ambivalently, struck by what they see yet incapable of fully grasping it, reeled in by the fleeting images just beyond their ken. Whether searching, moving, or simply waiting, viewers become direct participants in the work’s appearance and – photographically speaking – shape its development.

While the thermochromic screens inspire us to wait patiently in place in order to fathom their subtle transformation, the fleetingness of the photograms pushes us to move and play with point of view. In the echoes series, the viewer approaches for a better look and finds that the images have completely disappeared. Kept at a distance, the images are like a mirage – undoubtedly because both are incorporeal. Spectral and evanescent, they always appear as a series of shadows and reflections.

When contemplating Xavier Bauer’s work, viewers therefore come head-to-head with the first question – where images come from – as they seek to understand what they perceive. But beyond this enigma, our wish to “reveal” and “seek out” is bound up in our yearning for image itself.